Paroisse des 17 clochers

De l'espérance

    L’Avent est, par excellence, le temps de l’Espérance. Chaque année se réveille dans le cœur des chrétiens cette disposition fondamentale de l’esprit. Alors qu’ils se préparent à célébrer la naissance de l’Emmanuel – Dieu-avec-nous –, ils ravivent en eux l’attende de son retour pour chanter d’une seule voix : « Nous attendons ta venue dans la gloire ».

En 1943, dans une lettre adressée à un certain général X, Antoine de Saint-Exupéry écrivait, désespéré :

Je suis « malade » pour un temps inconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout. Aujourd’hui, je suis profondément triste – et en profondeur. Je suis triste pour ma génération qui est vide de toute substance humaine. Qui, n’ayant connu que le bar, les mathématiques et les Bugatti comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd’hui dans une action strictement grégaire qui n’a plus aucune couleur. […] Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif.

 Mais il poursuivait, poussé par l’espérance :

Ah ! Général, il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. […] Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme.

     Cette lettre, Antoine de Saint-Exupéry ne l’envoya pas. Il poursuivit le combat jusqu’à ce que son avion s’abîme en Méditerranée. Le désespoir n’avait pas éteint l’espérance. Dans l’espérance, le désespoir était surmonté.

    Ces mots on les croirait écrit pour aujourd’hui. Notre génération semble, elle aussi, « vide de toute substance humaine », comme jetée dans un tourbillon de divertissements. Le triomphe de la publicité révèle une société qui n’a d’autre fin que de consommer toujours plus, quoi qu’il en coûte. Le « paradigme technocratique » étend son emprise sur l’économie et la politique, au mépris de l’homme et de son environnement. Les idéologies totalitaires laissent encore croire à l’avènement d’un homme nouveau, d’un transhumain enfin libéré de toutes limites. En Europe et dans le monde, les « armées sans clairons ni drapeaux ni messe pour les morts » frappent toujours. La tentation du désespoir est bien là. Parfois nous écririons, nous aussi : « Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif. »

    Pourtant, nous ne pouvons pas laisser triompher le désespoir. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16). Telle est notre espérance. Un jour, le jour de Noël, Dieu s’est fait l’un d’entre nous – l’Emmanuel. Depuis, il est avec nous : « moi, dit Jésus, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Plus encore, il nous l’a promis, à la fin, il viendra dans la gloire. Ainsi nous vivons déjà en sa présence et nous attendons son retour glorieux. Nous sommes des veilleurs. Pour nous « la vie de l’Esprit », « la seule qui satisfasse l’homme », c’est l’espérance qui nous oriente tout entier vers celui qui vient : Jésus, notre sauveur.

Abbé Jean Arfeux +