Paroisse des 17 clochers

En ce petit matin de l’An tout neuf…

« En ce petit matin de l’An tout neuf, quand le givre sous les pieds est criant comme du cristal,
Et que la terre en brillant, future, apparaît dans son vêtement baptismal,
Jésus, fruit de l’ancien Désir, maintenant que Décembre est fini,
Se manifeste, qui commence, dans le rayonnement de l’Épiphanie.
Et l’attente pourtant fut longue, mais les deux autres avec Balthazar
A travers l’Asie et le démon cependant se sont mis en marche trop tard
Pour arriver avant la fin de ce temps qui précède Noël,
Et ce qui les entoure, c’est déjà le Six de l’Année nouvelle !
Voici l’étoile qui s’arrête, et Marie avec son Dieu entre les bras qui célèbre !
Il est trop tard maintenant pour savoir ce que c’est que les ténèbres !
Il n’a plus qu’à ouvrir les yeux et à regarder,
Car le Fils de Dieu avec nous, voici déjà le douzième jour qu’il est né !
Gaspard, Melchior et le troisième offrent les présents qu’ils ont apportés.
[…]
Mère de Dieu, favorablement accueillez ces personnes honnêtes
Qui ne doutent pas un seul moment de ce qu’elles ont vu au bout de leurs lunettes.
Et ce qu’ils vous apportent à grand labeur du fond de la Perse ou de l’Abyssinie,
Tout de même ce sont des présents de grand sens et de grand prix :
L’or, (qu’on obtient aujourd’hui avec les broyeurs et le cyanure),
Et qui est l’étalon même de la Foi sans nulle fraude ni rognure ;
La myrrhe, arbuste rare dans le désert qu’il a fallu tant de peines pour préserver,
Dont le parfum sépulcral et amer est le symbole de la Charité ;
Et, pincée de cendre immortelle soustraite à tant de bûchers,
L’unique once d’encens, c’est l’Espoir, que Melchior est venu vous apporter,
Au moyen de mille voitures et de deux-cent-quatre-vingts chameaux à la file,
Qui sans aucune exception ont passé par le trou d’une aiguille !
… »

PAUL CLAUDEL, Le chant de l’Épiphanie.