Le grand défi de notre vie c’est de devenir libre, dit Daniel Duigou. Prêtre et psychanalyste, il relit les Évangiles et montre combien le Dieu de la Bible nous appelle à devenir nous-mêmes.
Pour beaucoup de nos contemporains, les religions sont des contraintes et s’en affranchir est plutôt un gage de modernité, voire de bonne santé. Libéré des prêtres, des rites et de tout catéchisme, il s’agit de mener sa propre vie et d’essayer de trouver le bonheur sans dieu ni maître. Le christianisme lui-même, entaché par des scandales à répétition, devient inaudible. Pourtant, quand on lit les Évangiles, on est frappé de voir combien Jésus vient libérer celles et ceux qu’il rencontre. Lui-même refuse d’être enfermé dans une caste, une famille, une image. Il n’impose rien, n’écrira aucun traité, laissant le champ ouvert à qui veut le suivre. Le thème de la liberté à l’œuvre dans les Évangiles a intéressé le Père Daniel Guigou, qui publie “Jésus, un homme libre” (éd. Presses de la Renaissance).
Jésus, un homme libre
“Jésus est un homme libre. Cette affirmation est sous-tendue du début jusqu’à la fin de chaque évangile”, écrit Daniel Guigou. Pour lui, Jésus est aussi un homme qui libère : en sillonnant les villes et les campagnes, le Christ désire à chaque fois ne parler qu’à une seule personne, rencontrer chaque personne dans son unicité. Ce qui n’a pas échappé au prêtre et psychanalyste. “Ce qui est assez impressionnant, c’est de voir comme dans l’Ancien Testament, on est en permanence dans le collectif et comme d’un seul coup, il y a une rupture avec Jésus, où l’on est face à l’individu, à l’être vivant.”
Notre désir d’exister
“Exister c’est apprendre à être libre : apprendre, parce que ce n’est absolument pas évident non seulement en tant qu’individu mais aussi parce qu’on est sur-déterminé par la société, par la culture, par notre éducation.” Dès lors, pour le psychanalyste “tout l’enjeu” est de “devenir soi-même”. Ce qui, pour chacun, représente “une aventure jusqu’à la fin”. “La grande problématique, et ça a été bien sûr celle de Jésus, c’est de sortir de cette sur-détermination, qui fait de nous – Kafka le disait très bien – des robots, pour devenir nous-mêmes.”
Les psychanalystes entendent chez leur patient ce désir d’exister. Or, “derrière le désir d’exister, il y a quelque chose qui est souvent mal vu dans notre culture, c’est le narcissisme, c’est s’aimer suffisamment pour désirer vivre”. Dans la Bible, l’histoire de Zachée donne toute légitimité à ce désir-là. “Jésus repère chez Zachée ce désir. Il ne fait que permettre à Zachée de se découvrir lui-même, dans ce désir de vivre et donc par là-même de se détacher de tout un statut qui l’empêchait de devenir lui-même. Et c’est là où la liberté se joue !”
Cette liberté nous est donnée
“Souvent j’ai l’impression que ma vie n’est qu’une suite de départs, de ruptures, témoigne Daniel Guigou, à chaque rupture, c’est un choix qui signe une certaine liberté. Une liberté qui me conduit à réaliser le rêve d’un autre monde, et entrer dans une dynamique pour créer avec les autres un monde nouveau.”
“Dieu fait de nous des créateurs. Pour moi, c’est la clé de toute la Bible. Tous les autres textes qui suivent le récit de la Genèse ne peuvent s’interpréter que par rapport à cette création. Cette liberté nous est donnée pour que chaque individu devienne lui-même. Chacun d’entre nous va vivre éternellement dans cette part créatrice qui est la sienne.”
(RCF Radio, Émission diffusée en mars 2020)