Paroisse des 17 clochers

Les oignons d’Égypte ou la joie de Pâques

Les oignons d’Égypte ou la joie de Pâques

 

    Au commencement de leur marche dans le désert, peu de temps après le passage de la mer, les fils d’Israël récriminent :

Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! (Ex 16,3)

   Plus loin dans le désert, la deuxième année de leur marche vers la Terre promise, ils se remettent à pleurer :

Ah ! qui donc nous donnera de la viande à manger ? Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! (Nb 11,4-5)   

    Cinquième semaine de carême et toujours les mêmes questions. À quoi bon tout cela ? À quoi bon la pénitence ? À quoi bon s’entrainer à la conversion ? Pourquoi, d’un Carême à l’autre, mener un combat qui semble perdu ? Une fois encore, nous n’avons pas tenu nos résolutions de Carême. Une fois encore, nous  n’avons pas réussi à prier mieux, à nous priver de l’accessoire au profit de l’essentiel ou à donner plus. Une fois encore, nous découvrons la triste réalité : comme les fils d’Israël nous demeurons un peuple à la nuque raide (Ex 33,5). Nous avons lâché le Christ des yeux.

    Pendant le Carême comme au désert la tentation revient, toujours la même : « À quoi bon ! ». À l’enthousiasme vigoureux des commencements succède le désenchantement devant la difficulté des luttes quotidiennes. Avec la lassitude, le découragement s’installe. Il mine notre espérance. Alors, nous regrettons les marmites de viande et les oignons d’Égypte. Nous sommes tentés de renoncer, de « lâcher prise ». Éprouvés, nous demandons comme les fils d’Israël : Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? (Ex 17,7).

    Aussi, tandis que le Carême est bien avancé et pour ne pas entrer en tentation, ensemble nous demandons :

Viens à notre secours, Seigneur notre Dieu : accorde-nous de marcher avec joie dans la charité de ton Fils qui a aimé le monde jusqu’à donner sa vie pour lui. (Collecte 5ème Dimanche du Carême)

   Notre prière s’appuie sur l’espérance qui est ici-bas comme une ancre dans le ciel. Oui, le Seigneur est au milieu de nous pour susciter et soutenir notre désir de conversion. Oui, la présence du Seigneur peut faire de notre carême un joyeux pèlerinage vers Pâques. Oui, le Seigneur nous donne de prendre part à un combat dont il est déjà sorti victorieux.

    Les yeux fixés sur Jésus-Christ, [nous sommes] dans le combat de Dieu. Nous offrons nos luttes quotidiennes comme des serviteurs inutiles. Par sa grâce, Dieu nous offre déjà la victoire. Il ne s’agit donc pas de « lâcher prise » mais de s’abandonner à l’œuvre de Dieu. De nous laisse agir par lui, afin d’agir pour lui. Dans sa Providence Dieu conduit patiemment les fils d’Israël en Terre promise. Ainsi nous conduit-il surement, si nous le voulons bien, à la joie de Pâques. Une joie dont les « racines sont en formes de croix ».

Abbé Jean Arfeux