Que l’année qui commence soit, pour nous tous, comme une Pâques.

    Cher paroissien,

 

    Le commencement de l’année est décidément une drôle de période. Tandis que le sillage de Noël nous entraine dans une nostalgie douce-amère, le Nouvel An nous embarque au large vers de nouveaux horizons. Mélancolie et alacrité mêlent en nous des sentiments contradictoires. Peut-être est-ce là le propre de tous les commencements. Ils sont toujours une manière de Pâques.

    « Comment cela ? Le Nouvel An… une Pâques ! », t’exclames-tu peut-être. Avant que tu ne poursuives, interloqué : « Comment associer Noël où règne la joie et l’esprit d’enfance avec le triste esclavage en Égypte ? Comment rapprocher le retour à la vie ordinaire où règne en maitre l’agenda et la fatigue du jour avec la libération offerte par le passage de la mer ? Fêter Noël serait-il une manière de mourir ? Retrouver le quotidien la seule manière de vivre ? ». Non sans ironie, tu pourrais alors conclure : « Voilà bien une idée de prêtre ! ». Cela est vrai. Il s’agit bien d’une idée de prêtre et tes objections sont légitimes. Laisse cependant une chance de s’expliquer à l’auteur de ces quelques lignes.

    D’abord, il s’agit d’une simple comparaison. Aussi a-t-elle des limites. Le quotidien de la vie ordinaire n’offre pas toujours la joie d’apercevoir des horizons nouveaux. Noël n’est pas très exactement l’Égypte de Pharaon où règne l’esclavage du péché et de la mort. Il est bien sûr un temps béni pour lequel nous devons rendre grâce. Il est certainement très bon de nous rappeler la joie et la paix que le Seigneur nous a donné de goûter durant les fêtes liées à son avènement dans le monde. Je te laisse le soin d’en faire toi-même mémoire…

    Ensuite, la comparaison, tu en conviendras avec moi, n’est pas sans fondement. Comme la Pâque des juifs, le Nouvel An est un évènement qui marque le passage entre deux temps : du temps de Noël au temps ordinaire, de la fête au quotidien. Comme la Pâque des juifs, il est un évènement qui offre une promesse au temps qui vient : la possibilité d’être l’histoire d’une « Alliance nouvelle ». Pour les juifs, la Pâque a permis l’entrée au désert où les tentations furent nombreuses, puis l’entrée en Terre promise où les combats ne le furent pas moins. Pour nous, chaque nouvelle année est l’occasion de nous redire cette vérité : la vocation de nos vies ordinaires est d’être une « Alliance nouvelle », une histoire sainte. Les tentations et les combats seront encore nombreux cette année. Devant le mal et le péché qui abiment nos écoles, nos entreprises, nos familles, nos villages et notre patrie, les tentations du découragement et du désespoir qui, comme le serpent, demeurent tapis au seuil de nos âmes, se réveilleront certainement. Alors, il faudra tenir bon avec « l’équipement de combat donné par Dieu » : « le ceinturon de la vérité », « la cuirasse de la justice », « les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix », « le bouclier de la foi, qui [nous] permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais », « le casque du salut » et « le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu » (Ep 6,13-17). C’est là notre combat. C’est un combat de lumière, celui de la sainteté.

    Enfin, le passage au Nouvel An est certainement comme une Pâques, car dans la mort et la résurrection du Christ, tous les évènements de nos vies, des plus ordinaires aux plus extraordinaires, portent une espérance nouvelle. Tous, ils peuvent devenir comme des passages qui ouvrent le chemin du ciel. Voilà ce que l’ouverture de l’année civile nous rappelle : c’est d’abord dans nos « quotidiens ordinaires » que nous devons rendre un témoignage pour le monde, celui de la joyeuse espérance de Pâques. Une espérance qui découvre l’ici-bas du monde comme un « ici-haut ». À Noël, c’est bien le Ciel qui est descendu sur la terre.

    C’est le Nouvel An ! Tu es peut-être, comme moi, troublé par des sentiments contradictoires. Mais aujourd’hui encore, ensemble nous le confessons : le Christ est né, il est mort et il est ressuscité, sa Parole et ses Gestes communiquent au monde la paix et la joie. Il est la Source à laquelle nous voulons nous abreuver tout au long de l’année pour que nos vies, jusque dans notre quotidien le plus ordinaire, soient irriguées de sa paix et de sa joie.

    Que l’année qui commence soit, pour nous tous, comme une Pâques.

 

Abbé Jean Arfeux